mardi 23 novembre 2010

Rubber


- T'as aimé ?
- Ouais. 
- Pourquoi ? 
- No Reason. 

Si, en fait, il y a une raison sur ce coup-là. Le réalisateur, c'est Quentin Dupieux, aussi connu sous son nom de scène musicale Mr Oizio (c'est bien lui l'auteur des célèbres pubs pour Levi's avec la peluche jaune Flat Eric). Il est déjà le réalisateur de l'excellent Steak. Oui, vous savez, ce film qui divise autant, mais que, si on l'aborde correctement, on y voit alors plus aucune raison de ne pas l'aimer. Parce qu'en effet, si on le prend comme écrit sur l'affiche 'La nouvelle comédie d'Eric & Ramzy", on est loin du compte. Bref, là n'est pas le sujet.
Tourné avec un budget minuscule ("très largement en dessous des 1 millions d'euros"), et en 14 jours seulement, le résultat de ce nouveau film tourné cette fois-ci aux USA m'a tout simplement bluffé. J'espère que ce sera de même pour vous, parce que l'expérience vaut d'être vécue !


L'histoire se déroule dans un désert californien ponctué d'un petit motel, bref, l'endroit propice à la bonne vieille série B. C'est ici que des spectateurs assistent aux péripéties d'un pneu dénommé Robert, en le regardant avec des jumelles, du haut d'une colline. Ce pneu, être vivant à part entière, est un psychopathe qui tuera tous ceux qui oseront se mettre en travers de sa route. Comment, me demanderez-vous légitimement. Grâce à ses pouvoirs télépathiques, bien entendu.


WTF ?! 
Pourquoi ces spectateurs sont-ils là ?
- No Reason. 
Comment voient-ils toutes les aventures du pneu même dans des pièces avec l'aide de simples jumelles ?
- No Reason. 
Comment ce pneu fait-il pour rouler seul, et d'où vient son pouvoir télépathe ?
- No Reason. 
Pourquoi ce pneu s'appelle-t-il Robert ?
- No Reason.

Et je pourrais continuer encore longtemps...
Donc au cas où vous auriez encore des doutes, non, je ne me suis pas trompé. Le synopsis est complètement fou, comme le reste du film. Si vous aimez l'humour absurde, vous ne pourrez qu'être conquis, parce que c'est un véritable bijou dans ce domaine là. Et, comme pour montrer aux médisants de Steak qui ont retourné leurs vestes qu'il faut quand même tout leur expliquer, une scène, la première du film, vient expliquer le principe du "No Reason" aux spectateurs. Au moins on espèrera que le public ne reniera pas autant le film de ce réalisateur français qui est sur de très bonnes voies. Parce qu'en plus de ça, cette première scène est tout simplement géniale, je vais pas en dire plus pour pas spoiler, mais d'un ça annonce le ton, et de deux, c'est hilarant. Ce passage est déjà culte pour ma part, tout comme le film. 

Donc si vous m'avez bien suivi, Rubber est un slasher. Sauf qu'ici, le tueur est un pneu, et qu'il ne tue pas des ados puceaux (bon, c'est pas une obligation dans le genre, mais il faut avouer que c'est très fréquent). Et pourtant y'a d l'humour. Ouep. Et l'ambiance alors, ça donne quoi ? Un mélange de genre imbuvale ? Noon, je vous arrête tout de suite.
Lourde parfois, à la limite du film d'horreur, l'ambiance n'est pas si étrangère à celle de Steak. Et pourtant, malgré ces moments, c'est le drôle qui domine. Les images, adaptées avec brio à ce cocktail jamais vu, nous offrent des paysages (magnifiques) filmés avec un appareil photo Canon 5-D. Et Dupieux a bel et bien un talent pour l'image, parce que le rendu est tout simplement sublime. Rien que pour cette esthétique admirable donnant au film un côté presque poétique, le film est à voir au cinéma.

 La BO est elle aussi de la partie, et pas n'importe comment. Alternant sons de flûtes et musiques purement électros sorties d'un autre univers, tout est parfaitement placé, accompagnant l'image avec délice, et renforçant le délire burlesque maîtrisé avec plaisir. Certaines compositions sont tout simplement jouissives et les moments musicaux parfois exceptionnels (séquence de fin, attention !). Pour tous fans de musique électronique, ce score sera un réel bonheur pour vous oreilles, score d'ailleurs composé par Mr Oizio (le réalisateur donc) et Gaspard Augé, de chez Justice. Pas n'importe qui, donc.


L'ambiance et la réalisation sont donc tout simplement un réel bonheur extraterrestre qui sonne comme un énorme coup de fraîcheur, mais qu'en est-il du scénario, et du jeu d'acteur ? Bah là aussi, c'est vraiment bon. Parce que, ne vous inquiétez pas, le pneu n'est pas le seul personnage. Entre références et foutage de gueules à mourir de rire, les dialogues collent parfaitement au film, en se payant le luxe d'être énoncés par des acteurs exploitant ici tout leur talent, entre une Roxanne Mesquida qui, je sens, n'a pas fini de nous épater et un Stephen Spinella parfait.





Alors non, rassurez-vous, le film n'est pas qu'une bonne blague ne valant que pour son spitch de départ, comme pourront le dire certains médisants (et ils seront en nombre je pense, tellement le film ne risque pas de plaire à tous). Servi par un excellent casting, un scénario solide, une BO d'enfer, une image splendide, et un humour absurde ravageur auquel on ne peut résister, Rubber, réquisitoire dénonçant le formatage d'un cinéma actuel appartenant aux studios où les spectateurs veulent de l'action (on comprendra mieux après le visionnage du film), est un véritable enchantement euphorisant déjanté aussi expérimental que dominé qui doit se faire connaître, empli d'inventivité et de culot. Du cinéma Français, jeune, moderne, qui annonce une relève au point. J'adore.

A voir impérativement. ;)

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